Peinture sur le vif
« Il n’existe pas un seul usage de nos forces, si libre qu’il puisse être, et pas même l’usage de la raison(…), qui, dés lors que chaque sujet devrait toujours ne partir que des seules dispositions brutes de sa nature, ne se serait fourvoyé au cours de ses recherches si d’autres ne l’avaient précédé de leurs travaux, non pour condamner leurs successeurs à n’être que des imitateurs, mais, grâce à leur démarche, pour les mettre sur la piste afin qu’ils cherchent en eux-mêmes les principes et adoptent ainsi leurs propres méthodes, souvent meilleures. »
Emmanuel Kant. « Critique de la faculté de juger. »
Paysage sur le motif
Le plein air est un espace ouvert que je choisis le plus souvent pour la présence d'un horizon, d'une perspective, d'une atmosphère, d'une lumière, propices à la contemplation, à l'évocation. Le paysage est une source d'émotions, de plaisir, d'apaisement.
Peindre sur le motif procède du désir et de l'imaginaire d'un temps consacré à rendre visible
sans média interposé, par le dessin et/ou la couleur le monde naturel que je vois. Les qualités inhabituelles ou frappantes d'un point de vue, d'un ciel, d'une lumière, vécus comme une évidence.
Une forme d'émerveillement devant l'heureux agencement de notre monde, ce qui lui donne à être accueillant. La vie citadine éloigne de la nature, que pourtant la présence des hommes façonne et avec laquelle ils savent aussi vivre en harmonie. Quelques secondes me suffisent à sentir et décider d'un lieu où m'arrêter.
Je ne sais jamais d'avance si ce qui m'inspire pourra apparaître et rendre à ce monde que je contemple une poésie particulière.
Je commence le plus souvent par le même rituel lequel consiste à mettre en place la "table de travail". Déplier le chevalet, le régler à la bonne hauteur, préparer les pots à essence , étaler les pinceaux et distinguer ceux que j'utiliserai en premier, avec un penchant presque amoureux pour certains plus que d'autres.
Quand l'installation est terminée, souvent lente, car une légère anxiété précède l'acte de peindre lui même, je procède au cadrage. Avec mes deux mains, je repère le cadre délimitant la vue qui me semble contenir les éléments les plus intéressants, avant d'en tirer les grandes lignes sur un support toilé ou cartonné. Cela pourrait presque s'apparenter à un cadrage photographique. Pourtant, ce qui adviendra dans le cadre ne sera pas toujours aussi déterminé qu'au premier abord. Il s'agit surtout de poser les grandes masses, puis de traduire cette lumière qui donne forme et matérialité au monde, mais aussi ce qu'elle touche en moi.
Il y a dans ce que l'on peut découvrir du monde de la peinture depuis plusieurs siècles, bien des approches que nombre d'historiens de l'art s'évertuent, à mon grand plaisir, à analyser et rendre accessibles au delà du simple rapport de contemplation. Le passé est riche d'enseignements, il nous instruit de la culture de sociétés et de leur manière de représenter leur rapport au monde à travers une esthétique. C'est un héritage extraordinaire que de puiser aux sources anciennes les différents choix possibles qui ont été fait pendant leur contexte social, religieux, politique, et c'est aussi une importante question de chercher le langage de sa propre appréhension du monde.
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