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  • Photo du rédacteurDelphine

Peinture sur le motif. Une pratique vivante

C’est  par la discrétion de parcours d’artistes ne bénéficiant ni de la lumière des marchés financiers comme le favorise l’investissement pas peu désintéressé d’un François Pinault, ni de subventions publiques de Frac, Cnag et autres Drac, que la pratique picturale en plein air perdure et poursuit son chemin, tout comme son oeuvre de transmission.

Parfois pour vivre heureux, il vaut mieux vivre caché.

Mais pas si loin de ceux qui ne cèdent à la doxa contemporaine en matière de culture artistique et regardent au delà du 20ème siècle ce que l’homme a pu produire de meilleur, avisés de fuir le prêt à penser servi aujourd’hui en matière artistique.  Quand on ne peut surpasser ou même atteindre le niveau des anciens, doit-on les vouer à l’oubli ? Telle pourrait être la devise de ceux qui s’engouffrent dans les pratiques dites "contemporaines".  Et dans ce cas il n'est pas question de temporalité, mais de répondre de certains critères admis et institutionnalisés et pas d'autres.

On ne sait plus d’ailleurs, des institutions consacrées à la valorisation de l’Art,  privées ou publiques, lesquelles sont les plus friandes d’oeuvres propres à intégrer les marchés au détriment d’une politique artistique pluraliste. Pour être éclairé de ces connivences douteuses, il suffit de lire le  singulier et très documenté ouvrage de la sociologue Nathalie Heinich,  Paradigme de l’art contemporain.

Quand bien même aujourd’hui la maîtrise de l’art de la peinture sur le motif ne serait pas toujours équivalente en qualité aux travaux des prédécesseurs qui y excellaient - nous ignorons le plus souvent l’existence de ces talents dans la discipline, faute d’éclairage sur eux - elle n’en a pas pour autant perdu le sens  à être encouragée et c’est ce que permet cette exposition.

Cette transmission se réalise au sein d’ ateliers privés, rares, étant donné que les principales écoles et institutions publiques déconsidèrent la transmission des savoirs-faire propres aux  Beaux-arts et ne prennent plus fait et cause pour une politique pluraliste en matière de soutien aux artistes. Il suffit de prendre connaissance des programmes des universités d’Arts Plastiques en France, des cours du soir des Beaux-arts de la ville de Paris, des thèmes des résidences d’artistes, ou des attendus de formation des enseignants, pour comprendre que la peinture, ses savoirs-faire associés,  mais cela est aussi vrai pour les autres disciplines, dessin, gravure, sculpture, … sont en disgrâce.  Sauf à être associés à des considérations intellectuelles discursives,  dites contemporaines, comme la conceptualisation, la déconstruction ou maintenant le recours aux nouvelles technologies. Un artiste qui parle se vend bien sur le marché. D’ailleurs c’est le discours qui fait l’oeuvre de nos jours et non l’oeuvre qui nous parle d’elle-même. Ou bien le  robot qui dessine à la place de l'artiste et permet à la librairie du Grand Palais de vendre ces productions à 200 euros pièce (1)

Est privilégiée de nos jours, malheureusement, pour le tout venant,  l’expression créative personnelle, quand bien même celui-ci ne sache rien faire encore, ni n’ait vu grand chose des oeuvres dont le monde regorge depuis les premières oeuvres figuratives. (Cela est vrai aussi de certaines pratiques éducatives) L’encouragement à se satisfaire de ce peu et refuser la transmission de certains savoirs-faire peut porter ainsi dommage à des élans sincères pour l’expression artistique quand il s’énoncent dès la prime enfance, car le choix n'est pas laissé d'y échapper.




Claude Gelée, dit Le Lorrain fut parmi les premiers artistes français reconnu pour une pratique sur le motif . De son temps, l’exercice se développa jusqu’à devenir un passage obligé au 19ème siècle. Un peu comme faire ses classes, la route d’Italie ouvrit la voie de l’expérience et du goût pour une inspiration au contact de la nature.  L’on pouvait sentir poindre la vitalité et la spontanéité des instants vécus dans pochades et croquis préparatoires pour de grandes compositions.  Les premiers impressionnistes y puisèrent leur inspiration. 



 C’est donc les impressionnistes  qui  mirent  cette pratique de plein air à l’honneur . 

Leur peinture choqua les publics avertis, car considérée inachevée comparativement à la peinture officielle autorisée des salons. C’est par ces expériences d’impressions visuelles et sensibles, qui ne réduisaient pas encore la peinture à une simple image figée, froide,  calquée sur la photographie, que l’on trouve en abondance de nos jours, que le public pris conscience de la beauté que pouvaient rendre aux paysages, la lumière et la couleur 

« Peindre d’après nature ce n’est pas copier l’objectif, c’est réaliser des sensations » proclamait Cézanne .  De même,  une capacité à communier avec la beauté du monde, terminologie ni grossière ni abscons,  quand on pose son regard sur un paysage. Plus qu’un souvenir figé sur un écran ou une pellicule, la dimension du voyage pictural en paysage ne s’achève pas avec l’oeuvre peinte, elle se poursuit sous une autre forme, une dimension intérieure qui nous relie au monde extérieur et démontre l’existence de l’empathie qu’il inspire aux Hommes. 

 Ut pictura poesis. Si la peinture se trouvait dans la poésie, la poésie se retrouve elle aussi dans la peinture. Un ciel, des vallons, des toitures, des cours intérieures, des horizons,  autant de fenêtres pour regarder le monde autrement que dans sa dimension mortifère de cette époque soumise à l’ordre néo-libéral.

Au musée de l’Isle Adam, travail exposé de quatre femmes artistes pratiquant la peinture sur le motif. 


📷 Vue de Montmartre © Virginie Isbell - 2014


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"Ce qui abonde le plus sur terre, c'est le paysage"
                          
José Saramago dans "Relevé de terre"

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